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PORTRAIT D’AVENIR – BARRE AMAURY

Diversification et agrandissement au cœur de la stratégie d’entreprise

En mettant en commun les ressources et en diversifiant ses activités, Amaury Barré a développé son exploitation agricole dans la Marne. Son parcours montre l’importance de l’adaptation et de la rigueur dans la gestion d’une entreprise agricole.
Installé en 2005 dans la Marne, Amaury Barré consacre d’abord près de dix ans au développement d’une cueillette en libre-service. En 2011, il ajoute la reprise de l’exploitation familiale en grandes cultures et betteraves et développe la prestation de services pour les agriculteurs voisins. En saisissant les opportunités foncières et en structurant son entreprise autour d’une organisation rigoureuse, il exploite aujourd’hui 1 230 hectares. Une trajectoire marquée par l’adaptation, l’anticipation et un sens aigu du développement.

Fort et rapide développement

Amaury a seulement 22 ans lorsqu’il reprend une cueillette en libre-service sous l’enseigne Chapeau de paille. « C’est ma mère qui a fait le lien. Elle en était cliente, a discuté avec le gérant, et m’a mis en relation », explique-t-il. Un BTS Acse en poche, le jeune homme reprend l’activité et la développe rapidement. Il passe de 6 à 17 hectares cultivés, diversifie les productions (fruits rouges, pommes, tomates, courgettes, poivrons, aubergines…) et s’appuie sur le réseau Chapeau de paille pour gagner en efficacité et en vision stratégique : « Ce réseau, c’est une vraie ouverture d’esprit. On échange, on partage, on progresse. »
L’activité devient florissante, mobilisant jusqu’à quatre salariés permanents, dont son épouse. Elle occupe Amaury à plein temps pendant plusieurs années. Mais en 2011, au départ à la retraite de sa mère, il entame un retour progressif vers les grandes cultures, ses premiers amours, ses racines, son village… « J’en avais besoin », avoue-t-il. Il ressent aussi un certain essoufflement de la dynamique de la cueillette, même si celle-ci conserve encore un potentiel de développement.
Aujourd’hui, la cueillette fait l’objet d’une réflexion sur sa transmission, un projet à affiner dans les mois à venir. « Ce n’est pas simple à envisager, c’est notre bébé. Mais, il faut parfois faire des choix pour ne pas se disperser. » Un accompagnement mené avec son cabinet d’expertise comptable, Crozat & Associée : « Leur expérience et leur ouverture d’esprit comptent beaucoup. On ne peut pas tout faire. Et déjà, en cinq ans, j’ai triplé le volume en grandes cultures. » La priorité d’Amaury reste claire : le travail bien fait.
Lorsqu’il revient sur l’exploitation familiale, elle couvre alors 130 hectares. Une décennie plus tard, il exploite 1 230 hectares, dont 730 ha en gestion directe. Le reste est exploité en prestation de services intégrale, le tout dans le cadre d’un assolement commun, du choix des assolements aux déclarations PAC. Amaury entretient des relations fortes avec ses voisins et anciens maîtres de stage, qui lui cèdent leurs terres ou les lui confient en location ou en prestation. Une stratégie qui lui a permis de créer des parcelles de 25 à 50 ha pour optimiser le travail. « J’ai toujours connu le travail collectif, avec mes parents déjà, notamment en matériel ». Puis il a su saisir les opportunités quand elles se présentaient. « Une fois, il a fallu boucler une cession de parts en deux mois, pour passer la transaction avant les changements législatifs qui auraient retardé voire compromis le projet ! »

Une gestion structurée

La gestion d’un tel ensemble requiert rigueur et anticipation. « Avec autant de structures, il faut être carré. On ne peut pas improviser. » Amaury s’appuie sur son expert-conseil pour piloter l’ensemble. L’exploitation repose sur plusieurs sociétés : quatre SCEA, deux SARL, deux holdings, chacune avec un rôle bien défini.
Les résultats sont au rendez-vous : près d’un million d’euros de chiffre d’affaires sur les 280 hectares de grandes cultures de la SCEA familiale ou encore, 342 000 € pour la prestation de services. La stratégie est claire : viser 2 000 € de chiffre d’affaires par hectare en SCOP.

Des investissements ciblés

Amaury préfère les investissements structurels aux renouvellements du matériel : « J’ai des tracteurs à 14 000 heures. L’essentiel, c’est l’entretien. » Il a investi dans une unité de stockage, de conditionnement et d’expédition des 40 ha de pommes de terre pour 1,3 million d’euros. « Le plus gros projet de ma carrière », souligne-t-il. Amaury a aussi mené plusieurs projets photovoltaïques pour 700 000 € et diversifié ses cultures avec notamment du chanvre industriel depuis trois ans. Sous contrat, il s’assure une stabilité de prix qui compense les fluctuations sur le marché libre de la pomme de terre, avec des prix qui peuvent passer du simple au quintuple selon les années et la qualité de la récolte.
Il a aussi professionnalisé sa gestion au bureau. Après une expérience difficile liée à un retard de bilans – « par ma faute, reconnaît-il » – il a recruté une secrétaire pour sécuriser la gestion administrative : « J’ai perdu de l’argent bêtement sur ce prêt, deux points d’intérêt. On ne m’y reprendra pas. »
Son épouse s’est installée au 1er janvier 2025. Ensemble, ils coordonnent leurs entités agricoles. Deux salariés permanents, le père d’Amaury, et des anciens exploitants en fin de carrière complètent l’équipe. Amaury anticipe déjà leur départ pour revoir l’organisation, sans alourdir la charge matérielle.

Un modèle exigeant

« L’agriculture, aujourd’hui, c’est une gestion de risques permanente. Météo, marchés, normes : il faut anticiper. » Amaury garde une approche prudente, notamment sur l’endettement. « Sur une telle surface, une baisse de 5 % du chiffre d’affaires, c’est 70 000 ou 80 000 €. Il faut piloter finement. » D’ailleurs, sa banque historique n’a pas souhaité l’accompagner sur ses derniers projets, jugés trop ambitieux. Il s’est tourné vers un nouvel établissement, mieux aligné avec sa vision. La période des déclarations fiscales terminée, il attend aujourd’hui de son cabinet d’expertise comptable des outils de projection à court et moyen terme : « On n’est pas encore en régime de croisière. Il faut pouvoir simuler des scénarios », affirme-t-il.

Propos recueillis par Arielle Delest

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